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 La saison des anguilles. Lapière/Bailly

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marion
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marion


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La saison des anguilles. Lapière/Bailly Empty
MessageSujet: La saison des anguilles. Lapière/Bailly   La saison des anguilles. Lapière/Bailly EmptyMer 24 Juin 2009 - 20:44

« Les anguilles ça vous glisse des mains, c’est spongieux comme bestiole…étrangement leur chair est grasse et goûtue. »

La saison des anguilles. Lapière/Bailly 9782205055993


Dans un château du marais poitevin, une famille tente de survivre…à son patriarche, fou et endetté, à la cupidité des autres, jaloux et envieux, à la bêtise pitoyable de cette tragique « comédie humaine ». Au milieu de ce huis clos en pleine nature, isolé du reste du monde, Louis un jeune simplet, s’évade en barque le long des canaux pour pêcher les anguilles…malheureusement on n’échappe pas si facilement à ses proches …

La saison des anguilles. Lapière/Bailly 090624104029735213949754


La saison des anguilles est une création d’auteur, originale et déroutante dont les critères échappent aux conventions habituelles. Paradoxalement l’histoire évoque des concepts à la fois rares et banaux tels que le désoeuvrement, la folie et le quotidien. Les personnages sont terrifiants de réalisme, depuis leur banalité jusqu’à leur immoralité, il est difficile de ne pas les imaginer plus vivant que dans la réalité.
On comprend alors pourquoi l’anguille est le symbole commun de cette histoire, l’animal que tous les personnages possèdent en eux sous différents aspects et le lien qui les unit tous les uns aux autres.
La réussite de cet ouvrage repose sur deux points fondamentaux (me semble-t-il), l’atmosphère, qui oscille entre une dimension onirique, presque intemporelle et un réalisme foudroyant, qui évoque les heures de gloire du plus pur style naturaliste.
Cependant ce cadre reste immergé dans la fange des canaux poitevins grâce à une grande capacité des auteurs à ne pas sombrer dans une forme de pessimisme outrancier et facile.
Le fait est que si le contenu de la narration n’écrase pas son lecteur dans une vision accablante de la nature humaine, c’est principalement grâce à une forme de fluidité dans l’enchaînement des événements et des illustrations.
P. Bailly renouvelle la ligne claire (encore une fois : me semble-t-il) puisque l’on est saisi par des dessins, des ambiances, des cadres toujours, simples, directs et sans détour mais paradoxalement surchargés de sens et de détails réalistes. Tout n’est qu’enchevêtrement de plans, de couleurs, un subtil équilibre entre la terre et l’eau dans ce décor de marais, tantôt poisseux, tantôt romantique.
Le propos n’est jamais ironique, probablement parce que l’on suit l’histoire à travers les yeux d’un jeune simplet et d’une adolescente. Ainsi la pourriture et la vénalité des personnages apparaît clairement, sans que le trait ne soit forcé, sans que l’on ait besoin d’avoir à faire à des psychopathes. Pourtant la perversion est bien présente, que ce soit dans les rapports humains ou avec la nature, c’est l’idée de la domination et de l’avilissement des uns par les autres qui agit comme une lame de fond, même si l’on sait que les anguilles, elles, se faufileront toujours…
Dans cette histoire justement les anguilles ne sont pas celles qu’on croit. C’est ainsi que la petite musique qui nous guide tout le long du récit, apparaît et donne de la résonance à cette histoire tragique mais bien réelle.
Car au-delà des non dits, des rancoeurs, des jalousies, qui suintent comme des plaies, la beauté et l’humanité affleurent comme on suit doucement le fil de l’eau. Que ce propos ne soit pas détourné, nulle trace de bonne moralité ou de dénouement prémaché, juste la vision fugace d’une réalité implacable : les Hommes peuvent se noyer dans leur boue ou tout simplement s’accomplir. Il n’y a pas vraiment de jugement à porter, juste la conviction que la nature humaine est ainsi faite sur la force de ses contradictions.

Une œuvre superbe et dérangeante!!
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