C'est finalement dans le décor cossu d'un TER Autorail que je me plongeai dans la lecture de cet album de Moebius et de Jodo. Une folle hystérique se met à vénérer son prof de philo de faculté, vieux matou austère des amphis de la Sorbonne.
Dit comme ça, on ne peut que s'attendre à un délire philosophico-théologique. Et les premières pages me font craindre que le voyage sera long. Pourtant, dès que l'on tourne les pages, on commence à s'enfoncer dans une aventure hors du commum, où, tout au long des quelques 200 pages, on va de surprise en surprise.
Le cadre se plante en une trentaine de pages. Le sévère professeur de philosophie est taraudé par sa conscience. Pas la bonne, pas le petit ange couronnée de son auréole. Mais plutôt un diable, un fantôme d'une jeunesse dépravée révolue. Cette même conscience qui le pousse à user et abuser des délires de sa jeune étudiante illuminée, qui s'offre sexuellement à lui pour qu'ils fabriquent un nouveau Jean-Baptiste.
Un Saint-Joseph made in 9-3 et une Sainte-Marie (de la pure de Colombie) viendront compléter le tableau biblique que nous sert Jean Giraud de son trait talentueux.
Les trois parties de l'album oscillent entre le comique de situation, le réalisme et la densité d'une ambiance mystique et flippante. Album à double tranchant, il sert dans le même panier la religion, le sexe, la philosophie... C'est une oeuvre difficile : difficile à cerner, difficile à ne pas être scandalisé. D'où sa talentueuse réussite. Les auteurs osent provoquer à tour de page, alternent entre le dramatique et le comique.
C'est un album génial, qui repousse les limites de l'audace.