Début du XXème siècle, aux Etats-Unis, Marcello est un syndicaliste engagé et meneur de grève dans une usine d'aciérie. Il sera licencié sans ménagement après une répression violente, et sera embarqué malgré lui (afin de l'éloigner de sa promise) sur un navire en direction de l'Amérique centrale (vers Eldorado) pour la construction monumentale d'un canal.
Il découvrira des conditions identiques d'exploitation mais ne parviendra pas à rallier les ouvriers à une quelconque révolte.
Les conditions climatiques, le travail pénible et l'obligation de travailler sans relâche pour rembourser la compagnie usent Marcello qui sombrera petit à petit dans le délire et l'agonie.
Ce qui le fait tenir, ce sont les souvenirs de sa bien-aimée, Louisa, à qui il écrit continuellement des lettres et dont il rêve les retrouvailles.
Hogen est l'ingénieur responsable du projet du canal. C'est un défi gigantesque, mais surtout une aventure humaine exceptionnelle selon lui. Mais le chantier prend du retard, les actionnaires s'impatientent, et Hogen doit travailler jour et nuit pour mener à bien son projet.
Le recrutement d'un nombre important d'ouvriers venus de l'étranger en fait partie tout comme la régulation des retenues d'eau qui passe par l'inondation de terres indigènes voisines.
Barbara, la femme d'Hogen ne voit plus son mari, l'ennui la ronge et elle ne rêve que de retour. Son salut ne vient que de ses lectures venues de l'étranger, trop rares.
Son quotidien bascule cependant quand elle tombe par hasard sur une lettre de Marcello à Louisa. Elle s'éprend alors de ces lettres d'amour salutaires, et fait en sorte que dorénavant, celles-ci lui parviennent exclusivement, détruisant en même temps le dernier lien entre Marcello et Louisa.
Ces lettres créeront alors un lien surréaliste et tragique entre ces deux personnages que tout oppose, personnages au bord du gouffre, tenus éveillés par le seul fait de cette littérature amoureuse et fantasmée.
Un très beau dessin vient servir cette histoire mélancolique, pleine de rêveries, d'amour et de cruauté.
La fin tragique souligne magnifiquement ce récit mêlant à la fiction une réalité désenchantée, entre exploitation ouvrière, désastre écologique, domination et mépris des terres et habitants au nom d'une gloire technologique et commerciale.