"LE PORT DES MARINS PERDUS" de Teresa Radice & Stephano Turconi (treize étrange)

Voila bien longtemps que je n'ai rien publié par ici, mais je trouve que cet album mérite vraiment une mise en avant...
Dont acte...

"Le port des marins perdus"
Teresa Radice & Stefano Turconi, traduction Frederic Brémaud


Début 19eme, Abel, jeune adolescent amnésique, est recueilli à bord de l'explorer, navire militaire au service de sa majesté. Révélant une grande aptitude à la navigation, le jeune homme reviendra en Angleterre pour retrouver ses origines et réhabiliter l'ancien capitaine de l'explorer et ainsi restaurer l'honneur de ses filles…
… Une quête qui l'amènera à refaire le tour du monde et aussi explorer la bibliothèque de la courtisane Rebecca…

Scindé en 4 actes, ce roman graphique se présente comme un hommage aux grands romans d'aventures de l'époque, et il lui faudra bien ses trois cents pages pour développer l'ensemble de ses personnages et décrire le quotidien en mer et dans le port de Plymouth. Mission remplie par Teresa Radice, la scénariste, cette dernière dépeins une galerie de personnages touchants établissant des relations souvent contrariées, les tentatives de reconstituer une famille de substitution se heurtant souvent aux aléas du destin. Il sera intéressant de noter que l'histoire prend le contre pied des récit classique présentant la plupart du temps des héros solitaire plus souvent confrontés à leur propre folie qu'aux vertiges de la passion amoureuse.
Des personnages en quête d'un absolu simple mais pour autant pas naïfs.
L'album aménage également quelques scènes sans paroles bienvenues, à la densité émotionnelle renforcée.

Issu de l'école Disney de Milan (dont les cours ont longtemps était tenu par un certain Alexandro Barbucci), Stefano Turconi donne corps à ce récit avec un trait esquissé, rapide, jeté, mais toujours séduisant. ce style très "animation" se retrouve beaucoup dans le design de ses personnages empreint d'une certaine douceur (à revers de la représentation classique du marin buriné) il sert très bien à mettre en avant le caractère et les aspirations de nos héros. Rare sont les albums à rivaliser sur la qualité expressive des personnages.
Au final le dessin sert parfaitement le récit alternant parfaitement les scènes dramatiques et émotionnelles.

Stefano Turconi est un auteur à la carrière déjà bien fournie, mais n'ayant jamais pu atteindre le niveau de reconnaissance qui serait en droit d'attendre, la faute sans doute à une bibliographie plutôt consacrée à la jeunesse. Espérons qu'avec ce récit d'aventure marine à contre emploi, il puisse acquérir la reconnaissance qu'il mérite.

le livre à emporter pour ces vacances !

Publié chez bao en Italie, cet album avait titillé mes pupilles mais je n'avais pas eu l'occasion de le lire. Ravi de savoir qu'il est publié en France !

J'ai feuilleté ce livre avec beaucoup d’intérêt il y quelques jours. A suivre....
Les premières pages ont en preview ICI

Magnifique lecture.
Prenez le temps, c'est très bavard et il vous faudra plusieurs heures de captivantes lectures.
Bavard, mais en rien ennuyeux!
De la poésie, des marins, des bateaux, du fantastique, les récits et chansons de la marine à voile du XIXe siècle... on se laisse bercer par la houle, emporter par les vagues, et le visage fouetté par les embruns on dévore ce récit avec délectation.

Un récit fin et subtil, érudit aussi, qui donne une place de choix aux femmes, aux capitaines et aux matelots, mais aussi à quelques terriens

Un tout petit bémol sur le ton de l'album. On aurait aimé un peu plus de nuances dans les situations et personnages (un petit côté Disney). Les méchants sont méchants, les gentils sont gentils.
La vision de la maison close par exemple, joyeusement retranscrite, ou les conditions de vie en mer me semblent manquer de perspicacité (même si cela est certainement un choix).
Une frégate traversant l'océan à cette époque perdait en moyenne 70 hommes sur les quelques 300 à bord.

Reste un très beau voyage d'une grande intensité!

Une très belle lecture, malgré l'influence Disney en effet, un peu gentillette et naïve, mais soit, l'on retrouve ainsi une part d'enfance et de légèreté constamment contrebalancée par les magnifiques extraits de poèmes qui nourrissent ce récit d'aventures lui apportant profondeur et gravité . J'ai beaucoup aimé le principe des monologues intérieurs accès sur tel ou tel personnage via les cartouches rectangulaires, ce qui renforce l'aspect psychologique de ces derniers, le rythme crée par l'alternance de passages contemplatifs avec des scènes d'action. Et puis l'on peut prolonger le plaisir de la lecture en piochant à la fin dans la liste des textes et même musiques qui ont inspirés ce beau récit .

C'est très chouette en effet, la manière que le récit a parfois d'entremêler les voix narratives. J'ai trouvé pour ma part le florilège poétique un peu lourdaud et pas toujours très fluide.
L'édition rend-t-elle hommage au livre ? Les dessins sont très chouettes et méritent un beau papier épais et mat.
En tout cas, quelques coquilles ont échappé à la relecture attentive des correcteurs.

Un livre assez bouleversant, car les personnages et leur histoire sont très attachants, à commencer par l'histoire d'amour entre Nathan et Rebecca (ouais, je ne suis pas du tout fan des diminutifs ... "Nath' et Reb'", c'est un peu raté, non ?), déchirante à souhait. Ces deux personnages bénéficient d'ailleurs d'une construction bien plus élaborée et profonde que les autres protagonistes, et cela joue beaucoup dans la richesse du livre.

Alors, c'est vrai, certains personnages sont trop parfaits, à commencer par Abel, qu'il soit jeune homme ou capitaine, si aimable, si aimant qu'on a quand même du mal à y croire.
C'est vrai aussi qu'on assiste à une gravure très hagiographique du monde de la marine - ça manque un peu de bassesse pour être vraiment humain.
C'est vrai, il y a BEAUCOUP de poèmes - mais on n'est pas obligé de les lire ! En tout cas, pas à la première lecture, où on poursuit l'intrigue toutes voiles dehors. Mais au deuxième passage, on peut prendre le temps de se laisser porter... et ça fait du bien.

Mais ... c'est beau, c'est bien écrit et bien construit, on n'a aucune envie de quitter le navire avant la fin, et les cœurs sensibles comme moi auront l'occasion de verser quelques larmes (bon, d'accord, beaucoup...) à la fin du livre - malheureusement gâchée par les quelques planches rajoutées en postface, qui offrent vraiment un happy-end dégoulinant et écœurant... je vous conseille de vous arrêter à la page qui liste les musiques !

eraserhead a écrit:

L'édition rend-t-elle hommage au livre ?

Non (concis et précis)
Format, impression et papier, l'ensemble ne rend pas vraiment hommage au travail du dessinateur.
Dommage.

eraserhead a écrit:

L'édition rend-t-elle hommage au livre ?

C'est là où le bât blesse. Tout (ou presque - d'accord avec toi sur les insertions poétiques dispensables) est réussi dans ce livre, mais le format trop petit (16X24), outre le fait de condamner les binoclards, écrase l'éclat qu'auraient pu avoir les pages dans une restitution en grand format.

On pourrait croire que l'éditeur français n'a pas été vigilant sur le rendu du livre mais visiblement, l'édition originale italienne est elle aussi au même format. Est-ce une volonté des auteurs ?

En tout cas, passée la difficulté de lecture pour mes mauvais yeux, ce fut une très agréable lecture. N'étant pas particulièrement attiré par les récits de marins, j'aurais pu être rapidement largué par cette histoire mais pas du tout. Au contraire, je trouve que les auteurs ont su équilibrer le dosage parfait entre le côté fantastique et l'histoire personnelle des différents personnages en utilisant le milieu des aventuriers des mers juste comme il faut, en toile de fond sans nous gaver de folklores inutiles. Bon, le côté gentil/méchant un peu trop tranché de certains personnages manque de nuances mais finalement cela ne nuit pas au récit.
Le dessin est sublime, certaines planches mériteraient une meilleur mise en valeur même si je trouve parfois les bulles un peu envahissantes.
Bref, un excellent récit classique.

Très jolie histoire, qu'il est envisageable de faire lire aux plus jeunes !
Un livre à offrir et qui ne pourra déplaire;
L'édition est, comme vous l'avez dit, catastrophique ! C'est mieux en pdf !

Sort bientôt en Italie une édition dans un plus grand format :
http://www.fumettologica.it/2016/09/porto-proibito-artist-edition/
C'est une bonne idée 😉

Très bonne idée même que de devoir apprendre l'italien pour pouvoir apprécier pleinement cette BD
Ou alors, pourquoi pas demander à Nicolas Presl de faire une adaptation de l'édition italienne?

Jai d'abord pensé que Iron Maiden reprenait le poème original de The Rime of the Ancient Mariner de Samuel Taylor Coleridge,
et puis non, ils ont fait leur propre version... bon, ne parlant que très peu l'anglais, cela ne change pas grand chose pour moi :



Et parce qu'il n'y a pas que Iron Maiden dans la vie :
Samuel Taylor Coleridge, Orson Welles, Gustave Doré et Larry Jordan
http://www.mire-exp.org/the-rime-of-the-ancient-mariner-de-larry-jordan/

gagadinorux a écrit:

Ou alors, pourquoi pas demander à Nicolas Presl de faire une adaptation de l'édition italienne?

Je demandais justement ce qu'il devenait. Longue période sans publication de sa part.

J'aime la dualité entre les passages poétiques et l'étrange. Les deux nous amènes vers des pensées plus lointaines qui tombent à plat ou nous transportent.

j'ai plongé avec quelques réserves, bien vites envolées, dans cette épiquépopée. J'ai été emballée par l'histoire, et bien que certains passages soient un peu longuets ou dispensables , malgré le côté manichéen et la fin jugée sirupeuse ( moi j'aime bien les happy ends...), il faut bien reconnaître que le mélange des talents de conteuse et dessinateur de ce couple d'auteurs est une réussite. C'est bien simple, on dirait du Disney...

Y'a des putes, quand même....

eraserhead a écrit:

Y'a des putes, quand même....

400 pages que de poésie et de marins, ça n'aurait peut-être pas suffit!

Tiens, une sélection du Sheriff thématique ce mois-ci.
Trois BD sur quatre!

Un voyage magnifique, que je vais conseiller à mon ainé.

Ah tiens, je n'avais pas laissé un petit mot ici. Alors moi ce livre m'emballe et ne m'emballe pas tant que ça finalement.
Autant j'y reconnais beaucoup de qualités, autant certaines de ses dernières en font ou se transforment parfois en défaut.
L'écriture est belle et foisonnante mais devient parfois un peu pataude et abondante, le dessin est magnifique certes mais l'édition ne lui rends vraiment pas hommage, c'est beau comme un Disney mais il y a des putes... Un livre avec des contradictions, les auteurs ont l'audace d'osciller entre l'étrange et le romanesque, l'aventure et l'érotisme, et si souvent l'équilibre tient, je vois des maladresses et un ton un peu naïf auquel je n'arrive pas totalement à adhérer.

Oui c'est beau ! Oui c'est chouette comme récit ! Mais la maîtrise narrative fait de ce livre ma meilleure lecture de ce mois. J'ai eu l'impression que les auteurs maîtrisaient la découverte, décidant quand laisser le lecteur se douter de ce qui se passe, et quand le surprendre. Ça m'a vraiment rappelé le Sailor Twain d'il y a quelques années avec un monde de la marine assez propret, mais des personnages en proie à des tourments intérieurs.

Côté graphique, j'ai eu du mal à plonger dans le livre. Je le feuilletais sans réussir à accrocher avant de commencer la lecture -mais là, plus question de le lâcher. Je pense que c'est dû au format trop petit par ce que le trait fin et précis pourrait être bien plus agréable.

Moi qui ne suis pas très à l'aise avec la poésie, mais j'ai trouvé le florilège de textes cités intéressant. Effectivement, lors lecture intégrale n'est pas obligatoire mais peut faire l'objet d'une relecture. Du coup, il offre une raison pour revenir à ce livre -et ce sera avec plaisir.

Une série est annoncée pour 2017 chez Dargaud par les auteurs (3 volumes en France, qui seront publiés en Italie en un seul volume en 2018).
stefanoturconi.blogspot.it