L'effet durian, de Saulne

Le durian est un gros fruit exotique dont on n'arrive pas à dire s'il est bon ou mauvais tant il est particulier ! Les asiatiques le mangent mais il est aussi interdit dans certains lieux. Il est très dur, entièrement recouvert de piquants et possède une chaire molle et légèrement fibreuse dont ils raffolent. Une chose est sûr, il sent mauvais, très mauvais ! On parle d'une odeur nauséabonde avec une forte teneur d'amande mélangée à du fromage, une sauce à l'oignon et du vin. En plus, cette odeur est particulièrement tenace, à tel point qu'il est vendu à l'écart dans les marchés d'Asie.
Attention, une surconsommation de Durian peut être mortelle pour certaines personnes !



A cette image, ce livre raconte l'histoire d'une personnalité extrêmement forte, qui ne laisse pas indifférent quand on la rencontre et qu'on ne peut oublier. Un grand nombre l'adore, presque trop peut être, quand elle fait peur à d'autres. Depuis toute petite déjà, elle ne laissait personne indifférent.



On va donc suivre Jade, ce personnage exceptionnel et son inséparable sœur Sophie de la naissance à l'age adulte dans les étapes importantes de leur vie. L'histoire se passe à Hong Kong et met en scène peu de personnages ou de lieux. Tout se passe dans la relation que Jade va réussir à construire avec le monde extérieur. Et par l'observation quasi chirurgicale de l'élaboration de ce lien complexe, l'auteur aborde de nombreux sujets comme le relation à l'autre, la différence, bien sûr, le place de chacun dans notre société, et tous les sentiments qui en découlent. Mais il nous parle un peu aussi d'évolution, d'écologie et d'éducation.
C'est un livre fort, bien construit et j'aurais aimé connaitre Jade.

Le dessin très sobre et monochrome de Saulne fonctionne très bien et, paradoxalement, beaucoup de choses passe par les regards.

Ce livre est à l'image de sa couverture, simple en apparence mais qui révèle d'autres choses quand on le regarde sous certains angles.

Merci à notre Joco, rédacteur en chef des chroniques estivales. Il ne me reste plus qu'à le lire maintenant.

+1 !   

J'ai lu cette histoire avec émotions comme j'écoute l'histoire de ma voisine qui voudrait qu'on l'aime.

C'est sympa si on fait de l'empathie un leitmotiv...

En fait, je n'ai rien à dire. lol

Très belle histoire, du moins dans ses 3 premiers quarts. Le rapport entre les deux soeurs est traité intelligemment, et le thème du regard suscite un grand intérêt, avec les motifs des yeux, du miroir, de l'appareil photo (il est pas lourd, là, l'appareil ? - on le voit pas plus que dans Orientalisme ?   )

Par contre, à la mort de l'"oncle", tout s'écroule, rien ne marche plus : c'est très étonnant de foirer à ce point sa fin... Pourquoi avoir absolument voulu forcer la fin de cette histoire qui se bouclait par elle-même (avec le passage à l'âge adulte, le fait de devenir enseignant, etc...) ?

Je n'ai pas aimé les effets numériques pour montrer qu'elle voit à peine.
Je n'ai pas non plus aimé le "défaut" dans les noirs (entre les cheveux et le visage), c'est très moche.

Mon coup de cœur de la sélection.
Jade est fascinante.
La première partie de l'album, où Jade apprend à vivre avec sa cécité partielle, est vraiment très forte; la dernière partie est effectivement moins réussie.
Le traitement des personnages à travers des scènes de vie banales est très réussi, ainsi que la mise en place de leurs relations (entre les deux sœurs, avec cet oncle très présent, cette maman beaucoup moins présente....).
Je trouve le dessin très réaliste et efficace.
Pour ce qui est de la couleur, le travail sur les gris, le noir et le blanc colle bien au propos, explicitant la vision entravée de Jade.

C'est un album d'une grande densité, les dessins et les couleurs servent au mieux cette histoire assez hors norme.
Le thème est très intéressant et Saulne réussi a très bien narrer son histoire jusqu'au dernier chapitre où on ne voit pas très bien ce que cela vient faire là. Je ne vois pas très bien ce que cela apporte de plus à l'histoire, bien au contraire je trouve que cela gâche l'album. Et c'est dommage !

Pour ma part j'ai apprécié la singularité de l'histoire et le portrait de ces sœurs si fusionnelles, mais j'avoue que j'ai parfois eu l'impression que le scenario sautait comme un disque rayé ( pour ceux qui ont connu le vinyle    ). Pour moi il manque des pièces dans le puzzle ; par exemple, à part Jade et Sophie, pas moyen de cerner les personnages, pas plus que la nature des liens entre eux. Même cet "oncle" au rôle crucial dans la vie des filles m'a semblé sans épaisseur... sans parler de la mère quasi transparente. J'ai aussi trouvé les dialogues parfois très artificiels. Et la fin m'a laissée perplexe..

Me voici bien dure avec ce poulain du mois  ! Peut-être suis-je complétement à côté de la plaque, je vais le relire !!

Assez d'accord avec Naptha sur le disque rayé, comme une impression de tourner en rond et de voir les choses se répéter malgré des personnages qui pourtant vieillissent et semblent apprendre de leur situation.
C'est d'autant plus dommage qu'il y a quand même un beau rendu et une atmosphère intéressante qui se dégage de ces deux sœurs, de vraiment beaux personnages dont j'ai ressenti la complicité et la relation fusionnel, c'est fort.
Par contre, cette fin écolo vengeance, c'est incompréhensible, le ton et le propos change complétement et je n'ai pas du tout saisi où l'auteur voulait en venir, je ne vois qu'un besoin de remplissage demandé par l'éditeur, des fois on se dit que certains livres gagneraient à être plus court.

A la première lecture, je suis restée à distance. A la deuxième, j ai mieux saisi l histoire dans son ensemble et les liens entre les personnages, j ai d ailleurs bien aimé la façon dont l’auteur dessine leurs postures, la manière qu’ils ont d être en contact, qui en dit plus long sur leur relation entre eux et au monde, que peuvent le faire les mots parfois .Car je pense que c ‘ est de cela qu’ il est question essentiellement dans ce livre : notre réelle présence au monde, notre engagement dans celui ci. En cela, Jade est un exemple hors norme, à suivre ? Le dernier chapitre nous interroge justement sur cela, jusqu’où faut il aller dans nos engagements…j avoue que moi aussi j’ai été déstabilisée par cette dernière partie, mais au final je trouve qu’elle conclue bien l’histoire, c est à dire de façon surprenante et inattendue, à l image de cette héroïne, définitivement libre et insaisissable.

Le récit de l'enfance et la gestion du handicap me touchent profondément. La transition à l'âge adulte coule parfaitement. Le scénario m'emballe jusqu'au dernier chapitre qui est peut-être de trop ? Belle lecture.

Comme nombre d'entre vous, je n'ai pas saisi le pourquoi de ce dernier chapitre?? Il est venu flinguer ma lecture qui était jusque là plus qu'agréable. Un vrai regret...

Coup de coeur et pour moi la révélation d'un très beau talent.

D'abord une belle et forte histoire qui aborde le handicap sous un angle assez rare. la construction des progrès de Jade, les difficultés liés à sa cécité ( Elle se HEURTE au monde au premier comme au second degré ...) les relations complexes et parfois tendues entre Jade et ses différents "éducateurs" (sa soeur, son oncle, son école, la non présence/la fuite permanente de sa mère )
Même si les deux livres sont très différents, l'Effet Durian a une vraie résonance avec la BD de Joseph Lambert:" Annie Sullivan & Helen Keller". les deux ouvrages interrogent brillamment la notion d'apprentissage.

La relation entre les deux soeurs est bouleversante et elle se trouve sublimé par le dessin, j'ai été fasciné par les enchevêtrement des Jumelles, les observer dans le calme et le silence de leur sommeil nous approche au plus prés de leur complicité et de leur fusion.
Le dessin est remarquable tout au long du livre, il affiche une rigueur et une ligne pure efficace, tout en étant au plus prés des émotions de ces personnages.

Saulne utilise beaucoup les ellipses (Dans « L'art invisible » ouvrage sur la BD de Scott Mac Cloud, on trouve une bonne définition de l'ellipse en BD  « Les cases d'une bande dessinée fragmentent à la fois l'espace et le temps, proposant sur un rythme haché des instants qui ne sont pas enchaînés. Mais notre sens de l'ellipse nous permet de relier ces instants et de construire mentalement une réalité globale et continue. »
Si beaucoup ont été déçu, gêné ou déconcerté par la dernière partie du livre, c'est peut-être qu'il y a trop d'ellipses et surtout qu'elles couvrent des périodes beaucoup trop longues qui nuisent à la construction mentale d'une réalité globale et cohérente.
Personnellement je trouve la fin assez cohérente avec la personnalité de JADE, c'est le cheminement qui nous manque. A partir de la mort de l'oncle français, tout va trop vite. Pour une fois on aurait bien aimé une suite ...
mais je vous trouve assez dur, souvent, vous soulignez l'aspect trop conventionnel des livres, leur manque d'originalité ... et là on réclame une fin avec la gentille Jade devenue enseignante !!!

A coup sûr, la BD du mois

Je ne partage pas du tout ton enthousiasme, cher Tue-Loup.
Je retiens cependant la jolie couverture qui ne se dévoile pas au premier coup d'oeil et les dessins de la ville qui évolue.
Le "lettrage" est calamiteux.

Très sincèrement, je ne vois pas du tout en quoi le lettrage peut être calamiteux dans cette album. Il n'a rien d'exceptionnel ni de particulier ?

Pour ce qui est de la fin, même si je trouve qu'elle participe parfaitement à la logique d'ensemble de l'album, on peux mieux la comprendre en lisant le blog de l'auteur. On comprend que ce livre est le fruit d'un travail qui s'est étalé sur plusieurs années pendant lesquelles sont projet initial à du énormément évolué (pour plaire aux éditeurs ?). Si j'ai bien compris, le héro d'origine était Philippe et le but était de parler d'écologie avec le thème de la transition écologique (premier titre : Ma transition). Les deux sœurs ont pris de l'importance qu'en court d'écriture et de ré-écriture de l'histoire prenant la place du propos écologique. Mais le but est resté le même et tous passe par cette fin atypique.

Au final, cette fin en contre pied, qui nous déstabilise tant est très réussie. Elle nous a tous marqué et elle souligne l'ensemble du propos du livre. D'une part, sur le caractère entier de Jade qui, enfant, n'hésite pas à se jeter sur les coins de porte pour créer ces blessures qu'elle aime tant. Comment l'imaginer adulte autrement que militante un peu extrémiste, mais pour la bonne cause, bien sûr ! Et d'autre part, au sujet de la transmission, cet oncle qui a tant compté pour elles, ne peut que leur avoir transmis ces idées sans les imposer. Il a lui même perdu certaines de ces illusions sur sa méthode et se décourage car il pense que sont action est insuffisante et inefficace. C'est un modèle, elle le suive et le dépasse en allant plus loin.

Rien de tout ça n'a d'évidence mais c'est le sens que je trouve à ce livre et c'est ce que j'ai aimé dans cette formidable lecture.



Je viens de lire Effleurés dessiné par le même auteur et je connaissais Mes affinités sélectives, deux livres qui m'ont aussi plu même s'ils sont très différents de celui-là.

Superphane a écrit:

Je ne partage pas du tout ton enthousiasme, cher Tue-Loup.
Je retiens cependant la jolie couverture qui ne se dévoile pas au premier coup d'oeil et les dessins de la ville qui évolue.
Le "lettrage" est calamiteux.

Tu ne te mélanges pas un peu avec VACUUM ?