Manji n'est pas un ronin, Manji n'est pas un samourai, Manji n'est pas vivant. Il est mort et personne ne devrait plus pleurer sur le sort de ce déchet, ce rebus de l'humanité dont le sabre a emporté tant d'innocent.
Mais voilà c'est sans compter sur l'intervention d'une vielle sorcière qui lui fait le cadeau le plus empoisonné qui soit. Le Kesentchu est un ver qui offre l'immortalité à son porteur dans la mesure où il répare instinctivement toutes les blessures que le corps de son porteur pourrait enduré et lui transmet une puissance sans limite.
Il ne faut pas s'y tromper, nulle bénédiction n'accompagne Manji, puisqu'il devra payer sa dette de sang en rachetant les vie des innocents qu'il a sacrifié par la mort de mille scélérats qu'il devra condamner.
Le destin de cet anti-heros tout à fait detestable, violent, injuste et cruel, nous ait néanmoins révélé à travers une série de flash-back qui remettent très vite en cause, une orientation manichéenne de la série.
Au contraire, Hiroaki Samura nous plonge dans une fresque historique sombre, d'un Japon médiéval gouvernait par les sabres et le sang! C'est toute une épopée dans laquelle notre héros est lancé où se mèleront vengeance aveugle, desespooir totale et honneur!
Lin est la seule survivante d'un clan qui fut exterminé par le Mouten-Ittchyryu, organisation d'impitoyables guerriers. Sa rencontre avec l'Immortel va scéler leur destin à tous les deux, l'un deviendra l'instrument de vengeance de l'autre, et l'autre celui de la redemption. C'est donc ce couple de victime, somme toute pathétique et fort peu honnorable que l'on va suivre à travers un récit épique, plein de desenchantement et de violence extrême!
Graphiquement, "L'habitant de l'infini" est une référence inattaquable. Avec une minutie chevronée, l'auteur prend un malin plaisir à explorer tous les détails possibles et inimaginables des situations de combat. Au fur et à mesure que le récit progresse, Samura developpe des tresors d'ingénuosité afin de confronter toujours davantage le public avec l'horreur des situations narrées.
Traits hachurés, intensité des découpages, Samura nous plonge dans l'action brute et brutale des combats de samourai sans honneur! L'auteur revendique presque l'importance et la signification de ces combats pour son histoire, developpant ainsi un ton fantastique, onirique et philosophique, sur la nécessité du geste parfait allié à la force de l'esprit.
C'est de la redemption des samourai dont Samura nous parle, et peut-être certains s'insurgeront-ils contre moi, en lisant ces lignes, mais je pense également, que l'auteur nous propose ici, une relecture de l'ère showa, durant laquelle le Japon a perdu son identité et a du se reconstruire sans plus connaitre ses repères, comme cela fut le cas de nombreux samourais durant l'ère edo, où se deroule notre scène.
Manji est le symbole de tout cela, comme Corto Maltese était le fantasme absolu de Pratt, Manji est l'homme qu' est et qu'aurait voulu être Samura. Toute cette oeuvre est à son image, détaillée, graphique, poetique et violente. Il ne faut pas s'y tromper, sous bien des aspects l'histoire parait classique mais elle se distingue par son souci du détail, la finesse des caractères, des psychologies et la classe folle avec laquelle l'auteur introduit toujours les nouveaux personnages et éléments de son histoire.