Difficile d'échapper à Alix en cette rentrée... les plans média sont prêts, le jeune gaulois va déferler dans nos librairies, s'abattre sur les têtes de gondoles tel Hannibal dévalant des Alpes.
Mais en guise de jeune gaulois, c'est plutôt un sénateur romain aguerri, vieilli par les années de pouvoir aux côtés d'Auguste que nous allons retrouver dans Alix Senator.
Alix a vieilli donc. Il côtoie Auguste, prince dont les pouvoirs commencent sérieusement à s'étendre, et qui snobe soigneusement les autorités religieuses romaines. Mais peut-être est-ce que les meurtres étranges advenus en Province lui occupent-ils l'esprit ? Car ce ne sont pas moins que Lépide et Agrippa (fidèle lieutenant de l'Empereur) qui ont été dépecés par un aigle aux griffes d'or, incarnation de Jupiter. Alix est requis pour l'enquête, d'autant que Titus, son fils, et Kephren, son fidèle compagnon, fils du regretté Enak, ont assisté à la scène de ce dernier carnage.
La franchise Alix est protégée par un quarteron d'experts (famille, éditeur...) qui planche sur la suite des aventures, et, dans le cas présent, valide ou non les projets autour des personnages créés par Jacques Martin. Il faut dire que Valérie Mangin (Le Dernier Troyen, avec Thierry Démarez, qui dessine aussi Alix Senator), la scénariste, n'en finit pas d'attester de sa déférence à l’œuvre de Jacques Martin dans la presse spécialisée.
Il s'agit cependant, avec ce spin-off, de rajeunir la clientèle d'Alix, qui commence sérieusement à faire du gras (ce qui n'est pas en soi mauvais pour les ventes, mais plus pour l'image ?). Les amoureux de la série sont donc rassurés, l'univers sera respecté, on retrouvera au fil des albums les personnages qui ont fait sa gloire, mais en plus sexy (quoi que, avec trente ans de plus...).
Toujours est-il que l'histoire proposée pour ce premier tome (intitulé Les Aigles de Sang) fonctionne assez bien, et même si elle est bouffie de nombreux clichés usés dans le péplum en bande dessinée (les aigles, l'orgie, les crucifiés...), elle se lit plaisamment, au rythme d'une enquête sans grand fond, mais rondement menée. Car l'enquête policière, à Rome, c'est ce qui marche le mieux ! On ne compte plus les enquêteurs en toge ; dans la littérature populaire, ou de jeunesse, c'est bien l'un des meilleurs moyens de ripoliner ces vieilles façades en ruines, et ces patriciens bedonnants, afin de les rendre intéressants pour un nouveau public. Désormais, Marcus Aper et Gordien devront compter sur un nouveau collègue, Alix.
Mais là où la série réussit (ou échoue, c'est selon), c'est qu'elle se décale rapidement de cette enquête, et que la place centrale est rapidement occupée, de nouveau on aurait envie de dire, par les jeunes Titus et Kephren, répliques quasi-parfaites d'Alix et Enak. Presque parfaites, mais drôlement actualisées, car quand Alix incarnait un courage et un dévouement très scout (on est dans le journal Tintin, dans les années cinquante), les deux 'fils de' sont pourris-gâtés, ne pensent qu'à sortir en boîte (une orgie chez une noble romaine fera l'affaire) en faisant le mur, ce qui constitue leur seule dépense physique, car le reste du temps, on les imagine bien vautrés dans le triclinium à s'envoyer des messages sur leurs tablettes (de cire, évidemment).
Comment notre héros va-t-il réussir à faire grandir ces deux garnements, voilà bien la question qui sous-tend, pour l'instant, la série.
Autre réussite, mais là, c'est le cas de nombreux albums sur la question, la reconstitution des lieux est d'une grande fidélité aux sources reconnues, d'autant que le tome 1 se déroule majoritairement à Rome. La scénariste s'appuie de plus sur les zones d'ombres en marge de l'Histoire pour broder son énigme, et l'on apprend ainsi pas mal d'anecdotes sur l'Histoire Romaine au passage. Finalement, seul le vieillissement d'Alix reste assez peu crédible (qui lui donnerait 50 ans ? Il est fringuant comme dans La Griffe Noire).
Alors si par ruse vous échappez tout de même à l'invasion Alix Senator, attention au ressac de la série mère, qui verra au mois d'octobre l'arrivée de son 31e tome (dessiné par l'efficace Marco Venanzi, et scénarisé par Corteggiani).
Pour Les Aigles de Sang, le premier tome d'Alix Senator, c'est le 12 septembre, en 2 versions ; l'album normal sera doublé d'une édition deluxe.
http://www.alixsenator.com/http://bd.casterman.com/albums_detail.cfm?id=42765