La Faute aux Chinois de Ravard et Ducoudray

Notre ami Aurélien Ducoudray, membre du forum depuis la présence de Championzé dans la première sélection de 2010, revient sur le devant de la scène avec un nouveau one shot mis sobrement en scène par François Ravard.
La Faute aux Chinois est une satire sociale des années 90, époque pionnière de la grande économie mondiale et des délocalisations. Louis travaille à une chaîne d'équarrissage de poulets. Il se met à fréquenter Suzanne, une fille de l'aquarium, plutôt réservée et surtout équipée d'un frangin très envahissant. Ils se marient et ont un enfant, mais voilà, on n'est pas dans un conte de fée, la réalité du monde de l'entreprise, sa violence et son odeur de volaille, est là pour nous le rappeler. L'ascension sociale a plus d'un prix, l'équilibre conjugal tient sur un fil et le sang-froid de Louis reste un atout majeur pour tenter de tirer son épingle du jeu.
Ducoudray fait monter la sauce de manière habile. Après avoir campé ses personnages et inventé l'omniprésence du frère, il dispose un à un les ressorts de tension dramatique qui vont rendre la lecture haletante. On pense parfois à l'ambiance du film Le Couperet de Costa-Gavras. Le sens de la formule, la qualité d'écriture contribuent efficacement à la fluidité de la narration. Au-delà de l'histoire à proprement parler, c'est de la question ouvrière dont il s'agit et de son évolution vers l'individualisme, dans le sens de l'Histoire. C'est tout bonnement du travail d'orfèvre.
Le dessin va dans le sens de la fluidité. Les pages sont construites très simplement autour d'un gaufrier et la mise en scène est des plus classique ; démonstrative, en plans serrés le plus souvent, elle sait se faire évocatrice quand la tension se relâche un peu. La bichromie noir et sépia colle bien à l'ambiance un peu rétro "d'avant l'euro".
Deux jeunes auteurs certainement plein d'avenir, on n'en doute pas une seconde. Pour l'heure, investissez dans du Made in France (même si l'impression a été délocalisée en Italie) et savourez cette Faute aux Chinois comme il se doit.

De la belle ouvrage qui nous amène là où on ne s'attend pas de prime abord.
On attaque dans la satyre sociale avec des personnages caricaturaux assumés, puis il y a dérive...
Le dessin est maîtrisé de bout en bout, les personnages principaux sortent de l'ordinaire, on ne s'ennuie pas, bref j'aurais pu voter pour, mais ce mois ci il y a un intrus qui est encore un cran au-dessus

On pense à Baru, aux romans sociaux très noirs de Daeninckx... Le scénario est bien ficelé et le dessin dynamique (un gros bémol pour le lettrage) même si le personnage de Suzanne me semble trop peu développé : on comprend mal ou difficilement son ascension rapide dans l'entreprise. Une très bonne lecture.

PS : Avant d'être un film, le Couperet - dont parle Fred - est un formidable livre de Donald Westlake qui constitue une lecture de vacances vraiment idéale. Je me permets ce rappel sachant que Fred n'est guère client des adaptations...

oui, c'est dynamique, c'est bien amené, les personnages sont assez caricaturaux je trouve aussi mais l'ensemble a sa cohérence
J'ai juste eu l'impression d'avoir déjà vu ce film...
Bonne lecture tout de même

Je ne sais pas trop quoi dire en fait. Cette lecture ne m'a pas déplu, la narration est fluide et l'ensemble aisément lisible, mais en fait c'est plutôt le fond qui pêche. Je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire ni à "ressentir" aucun des personnages. Tout est resté en deux dimensions, simplement couché sur papier et sans âme.

ou alors c'est moi qui n'ai pas attaqué la lecture par le bon angle ?

pouf pouf.

Eh bien, je dirais que la chose intéressante et incontournable dans le fond, c'est cette idée que l'individualisme a aussi touché la classe ouvrière, dernier maillon solidaire (avec la paysannerie) de la société. C'est bien la preuve qu'on va droit dans le mur dans notre monde occidental où la valeur suprême (économiquement entre autres, on n'a de cesse de nous le rappeler…) est la sacro-sainte consommation.
Le fond, bien au contraire, est l'atout majeur de ce livre.

Oui, je suis d’accord, c'est intéressant dans ce que ça traduit mais comme naphtalène, je n'ai pas réussi a croire aux personnages et a vraiment entrer dans l'histoire...

J'avions bien compris le propos, Fred, qui est d'ailleurs bien expliqué dès les premières pages. Disons que c'est le choix de le traiter en l'illustrant de manière aussi ... radicale qui me surprend, et qui a fait que je n'ai pas pu accorder beaucoup de crédibilité à l'histoire (qui aurait tout à fait sa place dans une série bien glauque de courts du festival !)

et sinon, ouais, on dirait bien qu'on va droit dans le mur dans notre monde, et pas seulement l'occidental ...

la question sociale question de fond ou toile de fond ?
je pense que ça n'est pas en tout cas le propos de l'album, qui cherche avant tout à raconter une histoire noire, et ça c'est vraiment réussi, avec une galerie de personnages bien trempés (oui, d'accord, l'ascension éclair de la femme est un peu étonnante, ça a un côté histoire pour enfant à deux francs)
J'ai bien ri, en tout cas

l'ensemble fonctionne en tout cas, et j'ai été content de lire l'histoire entière en un volume, qui aurait pu être divisée sur deux albums, comme c'est souvent le cas chez cet éditeur (un +).

J'ai adoré la première moitié de l'album , même si c'est bourré de clichés , c'est en quelque sorte le quotidien de pleins de personnes (le gars qui n'a pas un boulot super mais qui aime ce qu'il fait même si c'est surtout pour remplir son frigo , la secrétaire qui rêve d'un ascenseur social mais plie devant la moindre remarque de son patron).
On est vraiment totalement dans la chronique sociale , on vit leurs bons moments , leurs galères aussi , il y a les rencontres , les histoires d'amour , le récit est très intimiste , tout va bien.
Et puis soudainement , vint l'orage , ils veuelent vivre mieux et là j'ai moins adhéré.
Bon ok , pour les couples qui partent en vrille entre la gestion du boulot ou des enfants mais les activités auxquels , lui et son beauf vont se prêter , là ça devient un peu sur réaliste , d'autant plus qu'ils ne sont jamais inquiétés.

Quand à la conclusion , j'ai trouvé ça un peu too much.

Spoiler:

Un bon album malgrè tout , difficile de le reposer avant la fin , il aurait peut-être gagné en intérêt avec un peu plus de simplicité , sans devoir emprunter des chemins aussi extrêmes.

+1 avec les propos de fred !!!
Il a parfaitement retranscrit mon ressenti! Vraiment rien à rajouter!
Bref, une lecture bien intéressante, assez rétro mais restant d'actualité dans le fond, sans compter un dessin très dynamique et plaisant rendant grâce au contexte assez noir de l'album!
Merci!!!

Et bien moi, j'ai passé un très agréable moment avec ce livre. Certes, les auteurs ne font pas preuve de beaucoup d'originalité, ni dans le scénario, ni dans les personnages et même le découpage des planches en strict gaufrier à six cases est de rigueur. Mais on s'en fout car tout ça fonctionne à merveille ! Il y a juste ce qu'il faut, là où il faut, pour que l'histoire s'enchaine et ne pas avoir envie de poser le livre sans arriver au bout, c'est déjà beaucoup... Le dessin de François Ravard, sous une fausse simplicité est particulièrement efficace. Je pense que ça passe par des cadrages bien vus sans trop en faire non plus.
De plus, le titre me plait particulièrement avec tout ce que l'on peut mettre derrière....