Dans un square, Eugène rencontre le docteur Trousseau qui, regardant ses mains dont les paumes ont été greffées, lui propose immédiatement un nouvel emploi. Eugène quitte alors sa compagne pour rejoindre le docteur « de l’autre côté du miroir », sans vraiment savoir à quoi s’attendre.
Eugène, expression parfaite de la fatalité suivra alors une piste unique qu’il ne pourra plus quitter.
Trousseau se révélera peu à peu docteur Moreau et docteur Frankenstein après qu’Eugène croise sur sa route une cohorte de personnages tous plus singuliers, inquiétants et touchants les uns que les autres - l’homme arbre, une momie au masque kabuki, les « racines profondes », Pamphilia et Vandrille ( !), Marius Bouteille, les hommes noirs – dans un univers à la croisée de Vian et Kafka.
Comme une marionnette aveugle Eugène se laissera emporter sans résister dans un cauchemar de plus en lus oppressant, tenu de livrer des paquets. La simple promenade deviendra course folle, jusqu’à l’accélération finale qui conduira le héros à sa libération puis enfin, comme Alice sortant du tunnel, à sa renaissance.
Quentin Vijoux, dont Eugène est le premier livre, choisit de s’affranchir de la case en proposant une mise en page rappelant celle de Ludovic Debeurme dans Lucille ou Renée. Les dessins s’entremêlent parfois, débordent d’une page sur l’autre mais la composition savante des planches permet au regard de n’éprouver aucun difficulté à suivre la narration. Rappelant Aude Picault ou Gabrielle Piquet, ils savent nous plonger dans une belle étrangeté matinée d’angoisse avec grande sensibilité.
Pour ne rien gâcher, le livre est superbe et la couverture, magnifique. Il faut donc vraiment "mettre la main" sur Eugène. Editer aux éditions Michel Lagarde, les parisiens chanceux pourront en plus aller voir une exposition autour du livre dans la galerie de l’éditeur.
EDIT : le véritable Docteur Trousseau, célèbre médecin français du 19ème siècle est le premier à avoir pratiqué la trachéotomie...